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Une fois de plus...
Olivier Kandel
Une fois de plus, ce matin un patient me demande pourquoi je ne lui dose pas la vitamine D. Je venais juste de réexpliquer au précédent qu’il était inutile de vacciner son enfant par le BCG. Rien de bien nouveau me direz-vous. On sait la pression qu’exerce l’industrie de la santé sur nos congénères avec, on peut le regretter, la complicité indulgente des médias. Mais ce matin, ces demandes donnent un éclairage différent sur le sujet. Ces patients, l’un comme l’autre avaient été conseillés par… des médecins.
Ce qui me frappe alors c’est l’indiscutable certitude toute temporaire des médecins, rivés aux informations qu’ils subissent. Nos internes réagissent avec la même incrédule surprise à nos doutes sur l’intérêt des protocoles actuels en tout genre, ou à l’évocation de nos prescriptions d’il y a à peine 10 ans. D’aucun répondrait que cela s’explique car « l’état de la science » progresse avec les travaux de la recherche. On doit surtout y voir les « effets de mode », et aussi ce qui est maintenant dénommé le « disease-mongering ».
Le plus discutable est moins la soumission des médecins à ces effets de mode, que leur absence du moindre esprit critique. Un regard diachronique sur quelques dizaines d’années des explorations et prescriptions médicales permet pourtant d’étayer la lecture critique nécessaire à une qualité rationnelle des soins. On pourrait en quelque sorte parler de pathocénose dans sa composante irrationnelle !
- Disparue l’appendicectomie de mon enfance, on confie maintenant l’autre fosse iliaque, la gauche, à nos confrères chirurgiens pour la sigmoïdite.
- Disparue la kinésithérapie Mézière au profit de Mac-Kenzie
- Disparu le SPID sous le « concept » de Fibromyalgie
- Disparue la supplémentation en fluor, on ajoute maintenant aux enfants systématiquement Vit K et calcium.
- Disparu le dosage du magnésium érythrocytaire, on ajoute systématiquement de la naissance à la mort de la vitamine D.
- Disparus les traitements hormonaux de la ménopause, on ne parle aujourd’hui que de leur risques.
- On parle de céphalée de tension en n’osant même plus dire psychique. On nie de plus en plus la dimension psychosomatique, pire on la méprise, comme si l’homme se limitait à une carcasse.
On attribue à Malraux que le XXIe siècle serait mystique ou ne serait pas. Pouvait-on imaginer que l’irrationnel et l’obscurantisme feraient ainsi irruption dans le domaine médical ? Faudra-t-il à nouveau revendiquer l’athéisme scientifique ?
Nul doute que le principe de précaution, la peur de l’autre (le fameux médicolégal), l’angoisse de ne pas avoir de solution, amènent le médecin à perdre son indépendance critique et ne plus s’engager auprès du patient.
Viendra un jour, peut être pas si lointain, où les patients, les citoyens sur qui porte le coût de la santé, nous demanderont de préciser ce qu’est un médecin, quel est son rôle et sa fonction.
Olivier Kandel