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19 Oct. 2012 / Editorial

Médecine générale, accès aux soins et APL : les D sont jetés...

par Jean-Luc Gallais

 Les questions des densités médicales des professionnels de la santé sont anciennes et le déclin démographique, variable selon les territoires et les professionnels de la santé, alimente les inquiétudes des uns et les espoirs des autres. Inquiétudes, par exemple, des élus locaux confrontés aux difficultés d'accès de leur mandants, et espoirs des organismes de protection sociale devant la réduction de l'offre de soins et des dépenses induites...

La mise au point récente de l'indicateur APL, Accessibilité Potentielle Localisée (DREES Etudes et Résultats N°795 Juin 2012), est intéressante car, appliqué aux médecins généralistes et aux soins primaires, cet indicateur complète la grille d'analyse des conditions d'accès au soins. Cet état des lieux est le préalable indispensable à toute décision concernant l'organisation du système de santé en particulier au moment de l'établissement de SROSS ambulatoire.
C'est une occasion de revisiter de façon plus opérationnelle et pertinente des facteurs déterminants de l'offre de soins, dans une perspective individuelle et de santé publique.

Pour les médecins généralistes libéraux dont le maillage territorial national constitue le 3eme des 137 services définis par l'INSEE (avant les boulangers), c'est l'opportunité de souligner l'importance de certains facteurs. Classiquement les démographes et économistes se focalisaient sur la Densité, les Distances, les Délais, les Dépenses et les Débours pour traduire des co-facteurs indissociablement intriqués. Le modèle de Frenck (1985) intégrait déjà ces paramètres. Chacun des paramètres mérite d'être précisé dans son contenu et son usage.

• Le D de Densité impose de définir si la densité calculée correspond à des professionnels exerçant effectivement la médecine générale. Seuls 1/3 des médecins généralistes/omnipraticiens recensés par l'Ordre des Médecins exerce effectivement la médecine générale. Au delà de la densité, c'est le temps médical Disponible qui est primordial dans un contexte de réduction du temps de travail hebdomadaire lié à des changements sociétaux.
• Les D de Distance et de Délais nous renvoient à l'accessibilité dans l'espace et dans le temps de la médecine générale. La distance elle-même n'est pas simplement kilométrique et temporelle mais aussi culturelle. La notion de médecine de proximité devenue récurrente témoigne des évolutions du langage. Plus une ressource s'éloigne, plus nous sommes imaginatifs pour y suppléer symboliquement en terme de dénomination !
• Le D de montant de la Dépense souligne les aspects de l'accessibilité économique effective et non virtuelle. Le RAC, Reste À Charge est même devenu un marqueur social et sanitaire clé. Le respect des tarifs opposables du secteur 1, sans dépassement est démontré comme un facteur favorisant l'accès aux soins. L’estimation de la dépense potentielle doit prendre alors en compte la différentiation entre les offreurs de soins en secteur 1, secteur 2 avec ou sans dépassement mais aussi le niveau de remboursement par le régime obligatoire et les assurances complémentaires en fonction de la prestation.
• Le D de Débours, c'est à dire d'avance faite initialement par le patient prend une valeur plus grande dans les circonstances de renoncement aux soins. La mise en place de la dispense d'avance de frais avec tiers payant intégral est une mesure essentielle pour faciliter l'accès aux soins de premiers recours dans de nombreux pays modernes, notamment européens. Le paradoxe français est d'avoir appliqué préférentiellement et surtout sans régulation médicale, le tiers payant aux dépenses techniques les plus chères des soins secondaires et tertiaires. Les débats en cours sur la facilitation du tiers payant en soins primaires témoignent de ces enjeux.

A ces 6 D il faut au moins en ajouter 2 autres, ceux de Déplacements et de Demandes.

Pour le premier D, Déplacements, interfère dans l'intrication évidente des territoires et des zonages. Les limites des territoires et les distances à franchir sont variables selon la problématique et la nature des soins. La PDSa, Permanence Des Soins ambulatoire ne recouvre pas le territoire des besoins de couverture en maternité, notamment selon leur niveau 1, 2 ou 3. Les mouvements et habitudes des populations d'usagers selon le type de recours ou consommation hors soins est bien connu. Les ARS et les organisations professionnelles sont confrontées quotidiennement à ces territoires fluctuants en fonction des implantations nouvelles ou disparues.

Pour le dernier D, Demandes, il impose de distinguer prioritairement celles qui correspondent à des besoins argumentés, justifiés et collectivement pris en charge. La demande varie aussi selon la population ciblée car la fréquence des recours croît avec l'âge. La distinction entre besoins, demandes et désirs est indispensable. Les paramètres influençant les comportements des usagers sont multiples, en particulier ceux liés à l'asymétrie de savoir et à l'induction de l'offre. Les effets des lobbying via les media ne seront pas développés ici, mais pas négligés pour autant...

Ces quelques rappels et commentaires sur le sigle APL nouvelle mouture, ne doivent pas faire oublier que cet acronyme, connu comme Aide Personnalisée au Logement, souligne que pour des problématiques collectives importantes, la collectivité mobilise des aides durables.
La notion d'APL appliquée à la médecine générale et aux soins primaires, n'est-elle pas structurellement actuellement un besoin d'Aide Personnalisée à L'exercice ?

Dr Jean Luc GALLAIS
Directeur du conseil scientifique SFMG


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